« Fragments réunit des travaux libres, essais, récits, fictions, collages et photographies.
Ce deuxième exemplaire propose des réflexions sur notre rapport à l’art, à la musique et à la littérature, des récits sur l’adolescence ou la naissance d’un enfant, voir rien de tout cela. »

Les Éditions Entropies, c’est le projet de revue / fanzine littéraire de ces chers Manon Torres, Max Paskine et Dimitri Nägele. Après la sortie du premier numéro, l’an dernier, Manon m’a invité à écrire sur le suivant. « On aimerait bien faire un numéro sur la musique ». J’ai pris mes distances depuis très longtemps avec l’écriture « « littéraire » » (multiples guillemets volontaires), mais si c’est à propos de musique, pourquoi pas ? Et même : forcément oui.
Mon texte, Digitalis, est une forme d’introspection de mes goûts. Ça remonte à mes premiers émois, au moment où je suis tombé dans la marmite, comme on dit. Et puis ça parle de comment petit à petit, ma doctrine initiale (chercher ce qu’il y a de meilleur dans l’actualité de tous les genres, dans absolument tous les rayons de tous les disquaires) a peu à peu fait place aussi, sans que je comprenne bien comment, à une forme de nostalgie sans objet et de désintérêt croissant pour l’actualité. Je parle d’une nostalgie sans objet car je ne regrette rien, et je reste souvent sans pitié avec les disques que j’ai tant aimés entre mes 15 et 18 ans – et que je n’écoute de toute façon presque jamais. En fait, il me semble plutôt que je suis nostalgique d’une époque (entre 1995 et 2002, pour le dire vite), et que cette pour époque se manifeste pour moi à travers des techniques, du matériel, des normes d’enregistrement et un certain imaginaire du métissage que je retrouve dans mille musiques différentes, du rock gothique à la trance psychédélique. Dans mon texte, j’essaie d’en dire plus sur cette nostalgie d’époque dont j’ai eu du mal à prendre conscience.
Pourquoi Digitalis ? C’est le nom d’un plugin que j’utilise en compo. C’est un multi-effets qui permet de plonger n’importe quelle piste dans un bain de dégradation – mauvais encodage mp3, sampler lo-fi, tape loops, manipulations de pitch archaïques. C’est un outil qui je trouve incarne bien cette idée de nostalgie sans objet : il n’émule rien en particulier et a mille façons tordues d’être utilisé. On se retrouve devant amusé et un peu penaud. Le passé y est un terrain de jeu expérimental, sans mode d’emploi.
La revue est à retrouver ici.